La vie privée est un droit inhérent à tous. Cela consiste à garder certaines choses pour soi : vous ne voulez pas par exemple que votre employeur sache que vous avez des problèmes médicaux, cependant vous voulez quand même que votre médecin ou votre famille soit au courant.
Le concept de vie privĂ©e reste propre Ă chacun, et les limites varient selon les personnes ou les cultures. Beaucoup de gens se retrouvent Ă dire “Je n’ai rien Ă cacher” ou “Les gens qui gèrent mes donnĂ©es ne me connaissent pas” ; pourtant, aimeriez-vous que quelqu’un dans la rue vous croise et vous dise qu’il sait ce que vous avez fait ce week-end ? Peut-ĂŞtre vous n’ĂŞtes allĂ© qu’Ă un repas de famille, mais vous n’aimeriez probablement pas que cet inconnu le sache. Ce sont pour moi de mauvais arguments, on le dit car on ne sait pas vraiment comment ça fonctionne derrière. Personne ne vous a jamais dit qu’il n’avait rien Ă cacher Ă son employeur par exemple.
Le terme de cacher est Ă©galement faux, car en rĂ©alitĂ©, beaucoup de gens n’ont rien Ă cacher. La vie privĂ©e est quelque chose que vous souhaitez protĂ©ger.
Lorsque vous dites : “Le droit Ă la vie privĂ©e ne me prĂ©occupe pas parce que je n’ai rien Ă cacher”, cela ne fait aucune diffĂ©rence avec le fait de dire “Je me moque du droit Ă la libertĂ© d’expression parce que je n’ai rien Ă dire”, ou “de la libertĂ© de la presse parce que je n’ai rien Ă Ă©crire”. - Edward Snowden -
Je dirais mĂŞme qu’on peut conclure la mĂŞme chose des droits des femmes par exemple. Si vous ĂŞtes lectrice, auriez-vous dit Ă l’Ă©poque : “Je me fiche du droit de vote parce que je ne sais pas pour qui voter” ?.
La vie privĂ©e reste un sujet flou pour beaucoup, mais n’oubliez pas que mĂŞme si vous n’avez rien Ă cacher, cela reste un droit humain fondamental.
Je vais souvent prendre l’exemple de Google, mais cela s’applique Ă Ă©normĂ©ment d’autres services.
Concernant les services tels que Google, Amazon, Facebook, etc. Vous allez peut-être être choqué, mais en réalité, on peut comparer leurs utilisateurs à des esclaves, pourquoi ?
Je dois d’abord vous expliquer le fonctionnement basique de ces services.
L’exemple du vĂ©lo
Vous souhaitez acheter un vélo. Vous allez donc sur votre moteur de recherche préféré, Google, et vous tombez sur une liste de liens concernant votre recherche. Vous visitez quelques liens et décidez de remettre ça à plus tard. Et pendant la pause-déjeuner, vous vous connectez à Facebook, et magie, vous avez des pubs de vélo !
Que s’est-il passĂ© ?
En faisant votre recherche, Google a enregistrĂ© le fait que vous, personnellement, avez recherchĂ© des informations pour le futur achat d’un vĂ©lo. Google a ensuite revendu vos donnĂ©es (la recherche de ce vĂ©lo) Ă des tiers afin qu’ils puissent afficher des pubs sur Facebook. Je vous simplifie Ă©normĂ©ment le rĂ©el processus Ă©videmment.
Pourquoi ?
Imaginez que vous ĂŞtes un vendeur de vĂ©lo, vous souhaitez payer Google afin qu’il puisse afficher ces pubs dans les recherches Google.
En temps normal, un certain nombre de personnes verrait cette pub, mais ne serait pas intĂ©ressĂ© par un vĂ©lo (manque de moyens, utilise la voiture, habite au fin fond de la campagne, etc.) ; vous auriez payĂ© cher pour qu’un nombre infime de personnes souhaitant acheter ce vĂ©lo soit rĂ©ellement intĂ©ressĂ©.
Maintenant, faisons mieux. Au lieu d’afficher des pubs de vĂ©lo Ă tout le monde alĂ©atoirement, pourquoi ne pas cibler les gens potentiels ? Pour ce faire, Google, va analyser mĂ©ticuleusement vos mails, vos photos, vos achats (Google Pay), les recherches Google, YouTube, etc. Afin de comprendre que vous avez le potentiel d’acheter le vĂ©lo (parce que vous ĂŞtes en ville, vous avez les moyens, etc.). Il utilisera vos donnĂ©es pour cibler très prĂ©cisĂ©ment ses pubs et se faire de l’argent sur votre dos (beaucoup d’argent).
Il faut bien comprendre que Facebook et Google (je n’en ai pas d’autres en tĂŞte) sont en premier lieu des agences publicitaires, leur modèle Ă©conomique est basĂ© sur la publicitĂ©.
Les types de publicités sur Internet
Je tiens Ă prĂ©ciser que le fait de se faire de l’argent grâce Ă la publicitĂ© n’est pas un problème en soit. Il faut distinguer deux types de pubs :
- Les pubs contextuelles.
- Les pubs comportementales.
Les pubs contextuelles fonctionnent de cette manière :
- Vous tapez
"vélo"
sur votre moteur de recherche. - On vous présente des pubs de vélo.
- Vous tapez
"vacances en Norvège"
. - On vous présente des pubs sur la Norvège.
Simple n’est-ce pas ? L’avantage dans les pubs contextuelles, c’est que ça permet aux entreprises de gagner de l’argent sans vous pister. Les moteurs de recherche DuckDuckGo et StartPage sont deux exemples qui fonctionnent de cette manière.
Les pubs comportementales sont Ă un tout autre niveau, ils se basent sur vos centres d’intĂ©rĂŞt, vos recherches, vos vidĂ©os prĂ©fĂ©rĂ©es sur YouTube, vos achats, votre localisation, etc. C’est compliquĂ© de vous faire un exemple, car cela demanderait beaucoup plus d’infos.
Mais imaginons que vous ayez trouvĂ© le partenaire de votre vie, vous ĂŞtes avec cette personne depuis quelques annĂ©es, vous avez cherchĂ© pendant toutes ces annĂ©es des week-end romantiques, des sorties, des vacances, etc. Toutes ces infos sont accumulĂ©es au fur et Ă mesure par les fournisseurs de service comme Google et Facebook. Un jour vous dĂ©cidez de demander votre partenaire en mariage, vous faites donc vos recherches sur des bagues, des lieux etc… Tout se passe bien. Mais Ă votre avis, après ce mariage, que Google va t’il vous proposer ?
Des pubs pour des jouets d’enfants, des lits de bĂ©bĂ©, des biberons, des annonces pour les femmes enceintes.
Ben oui, vous avez implicitement dit Ă Google (et tout autre fournisseur de service fonctionnant sur les pubs comportementales) que vous aviez trouvĂ© le partenaire de votre vie, que vous vous Ă©tiez installĂ©s ensemble, que vous vous ĂŞtes mariĂ©s etc. Au bout d’un moment, Google en dĂ©duit qu’il est temps pour vous d’avoir des enfants !
Ça ne fait pas si peur
Pour vous rendre compte Ă quel point cela peut ĂŞtre terrifiant, prenons un exemple dans la vraie vie.
Vous ĂŞtes en dĂ®ner de famille et vous parlez de votre futur achat d’un vĂ©lo. Vous vous rĂ©veillez le lendemain, vous allez Ă votre boĂ®te aux lettres, vous ouvrez, et lĂ , surprise, une pub pour un vĂ©lo ! Alors que vous n’avez rien demandĂ© ! Cela vous semble peut-ĂŞtre improbable que ça puisse arriver dans la vraie vie, peut-ĂŞtre pas, mais c’est rĂ©ellement ce qui se passe sur Internet !
Le vrai problème
Le problème n’est pas que Google nous envoie des pubs ou vend nos donnĂ©es. Le rĂ©el problème est que ces services nous pistent, nous ciblent, et revendent nos donnĂ©es, sans notre consentement. Et quand bien mĂŞme c’est prĂ©cisĂ© dans leur Politique de ConfidentialitĂ© ou leurs CGU (Conditions GĂ©nĂ©rales d’Utilisation), soyons francs, on comprend rien, et c’est le but recherchĂ©.
En effet, c’est souvent un long texte, Ă©crit en petits caractères, avec un vocabulaire technique qui nous pousse Ă ne rien lire et Ă cliquer sur “Tout Accepter”.
Avis personnel : Concernant Google, je ne le considère pas comme Ă©tant un moteur de recherche puisqu’il ne vous donne que les infos que vous souhaitez avoir.
C’est comme si vous alliez Ă la bibliothèque et que la bibliothĂ©caire vous montrait uniquement les livres qui dĂ©fendent la mĂŞme opinion que vous, les thèmes que vous aimez, etc.
Ces services sont Ă©galement des laboratoires Ă grande Ă©chelle sur le comportement humain. Ils ne vont pas juste vous proposer un excellent service, ils vont surtout vous rendre dĂ©pendant Ă ce service. Et c’est comme ça qu’on entend des gens dire :
- “Comment tu fais pour vivre sans TikTok ? Moi je pourrais pas.”
- “T’as pas Facebook ?! Ben je te contacte comment ?”
- “Tu partages tes photos de ce weekend sur Google Photos ! Ah, tu n’as pas Google Photos…”
Ne croyez pas que vous n’ĂŞtes pas manipulĂ© par ces services, ça fait 20 ans qu’il travaillent sur ce domaine. Et ne sous-estimez pas Ă quel point l’humain peut ĂŞtre manipulable (moi y compris).
Pour en revenir Ă mon exemple des esclaves
Un esclave, est, selon la définition du Larousse :
Une personne de condition non-libre, considĂ©rĂ©e comme un instrument Ă©conomique pouvant ĂŞtre vendu ou achetĂ©, et qui Ă©tait sous la dĂ©pendance d’un maĂ®tre.
Vous allez probablement me dire que je suis fou de comparer l’esclavage au concept de vie privĂ©e, probablement. Mais regardez :
Une personne de condition non-libre…
On n’est pas libre de nos donnĂ©es qui sont sur Internet, en tout cas, celles qui y sont dĂ©jĂ . On ne peut rarement les supprimer ou les modifier. Dans l’exemple du vĂ©lo, nous recevons de la pub sans notre consentement. Nous n’avions rien demandĂ© Ă la base, mais on nous sert quand mĂŞme de la pub.
…considĂ©rĂ©e comme un instrument Ă©conomique pouvant ĂŞtre vendu ou achetĂ©…
Vos donnĂ©es ont pour unique but de rapporter de l’argent Ă l’entreprise, car elles sont revendus Ă des tiers. Comment pensez-vous que des entreprises comme Google ou Facebook puissent vous proposer un service gratuit ?
…et qui Ă©tait sous la dĂ©pendance d’un maĂ®tre.
Si vous lisez bien les Politiques de Vie PrivĂ©e ou les CGU (Conditions GĂ©nĂ©rales d’Utilisation), vous remarquerez que très souvent, vos donnĂ©es ne vous appartiennent plus une fois mise en ligne sur un service (tels que Facebook, Instagram, Google Drive, Google Photos, Gmail, OneDrive, Outlook, Amazon, et j’en passe beaucoup…). Le maĂ®tre est l’entreprise qui hĂ©berge vos donnĂ©es, car il peut en faire ce qu’il veut.
Je ne dis pas forcĂ©ment qu’on est esclave de ces entreprises. Je donne surtout cet exemple pour vous faire rĂ©flĂ©chir.
Conclusion
Vous allez peut-ĂŞtre vous dire qu’avec tout ça, Internet est un danger pour votre vie privĂ©e et votre sĂ©curitĂ©, et vous auriez raison. Cependant, la vie privĂ©e sur Internet fonctionne comme tout dans la vie, vous pouvez gagner en vie privĂ©e au point oĂą vous vivez dans une grotte seul en ne communiquant plus avec personne, mais ce serait trop facile si la vie Ă©tait si binaire. Le vrai but ici est de trouver le bon Ă©quilibre entre le respect de votre vie privĂ©e, votre sĂ©curitĂ© en ligne et l’utilisation d’Internet.